2 pas en avant, 1 pas en arrière...
Ce matin en écoutant les infos, j'apprends avec plaisir qu'Obama a réussi à faire passer sa réforme sur la santé. Satisfaction. Enfin les américains modestes (et bien sûr pauvres) auront-ils (peut-être) une chance d'être soignés correctement. Puis j'apprends à quel prix le texte a été voté. Un amendement interdisant toute prise en charge de l'avortement par les pouvoirs publics. Colère, frustration. Mon premier réflexe a été de me dire "pas étonnant de la part des américains". C'est vrai, le puritanisme, les clubs de lycéens prônant la chasteté avant le mariage, les manifs anti-avortement sont autant d'images qu'on associe facilement, voire automatiquement, aux Etats-Unis. Ma première réflexion a donc été de me dire "mais pourquoi suis-je surprise, en fait ? C'était prévisible".
Et puis en réfléchissant un peu, j'ai fini par me dire que ce qui n'est pas étonnant de la part du congrès américain, c'est le fait que l'amendement soit passé, que l'expression de ces relents obscurantistes soit aussi décomplexée, et leur défense par des lobbies aussi efficace.
Car je ne me fais pas d'illusion : le sentiment anti-avortement est à mon sens un des traits les mieux partagés entre les être humains, toutes cultures, religions ou convictions confondues, au même titre que le racisme, le sexisme ou l'homophobie. Par là, je n'entends pas la forme la plus extrême, la plus visible des ces fascismes, qui fédère (heureusement) une grande majorité contre elle, mais plutôt la multitude de formes plus quotidiennes, moins conscientes, et ô combien plus répandues.
D'une manière générale, en Europe (Irlande, Malte, Pologne etc. exclus ; oups, finalement ça fait pas mal, ce qui illustre mon propos), le droit à l'avortement, comme l'abolition de la pein de mort, semble faire l'unanimité, et la levée de boucliers quand on tente de s'y attaquer est telle que les tentatives ne font jamais long feu.
J'étais ainsi tombée de haut, il y a 1 ou 2 ans, à la lecture d'un sondage sur Internet, et des commentaires l'accompagnant. Si la plupart des internautes s'accordaient à défendre le droit à l'avortement, il y avait quasiment toujours un "mais". Mais il faudrait peut-être s'assurer que l'avortement ne remplace pas la contraception, mais il faudrait le réserver à des cas extrêmes (viol), mais tout de même, ma femme est enceinte et je n'arrive pas à concevoir blablabla.
Ah oui, c'est vrai, cocorico pour un pays où la contraception est si bien promue et remboursée que chaque année, des centaines de milliers de naissances étaient au départ non désirées.
Ah oui, c'est vrai, les "pro life" refusent que l'on "assassine" ce qu'ils considèrent comme des être humains à part entière dans la majorité des cas, mais s'ils sont issus d'un viol, c'est différent. Ah bon, alors si c'est exactement pareil de les "tuer" entre 0 et 12 semaines de grossesse qu'au bout de 37, voire à la naissance, comment justifier le "meurtre" d'êtres humains innocents, complètement impuissants quant à la façon , si dramatique soit-elle, dont ils ont été conçus ?
Culturellement, il est donc dans beaucoup de pays politiquement incorrect de remettre l'avortement en question, mais si on analyse les propos de bien des gens, on s'aperçoit que certains principes, comme le droit de la femme à disposer d'elle-même (non seulement de son corps, mais aussi du cours de sa vie, de la trajectoire et du sens qu'elle entend lui donner), ne vont pas tellement de soi, car la femme passe toujours, quelque part, après sa fonction reproductive, et que l'embryon est encore considéré par beaucoup comme étant déjà un bébé, un être humain.
Attention, loin de moi l'idée de critiquer la façon dont chacun vit le désir (éventuel) de parentalité, la grossesse et l'attente de l'arrivée d'un enfant, la posture à adopter face à la survenue d'une grossesse non désirée. Loin de moi l'opinion que toute personne décidant de poursuivre une grossesse non programmée est rétrograde, obscurantiste ou je ne sais quoi d'autre. Je défends juste l'idée qu'un embryon n'est pas une personne, et qu'à ce titre toute femme en ce monde devrait avoir la liberté et les moyens de choisir, réellement choisir, et puisse n'en garder aucune séquelle physique ou psychologique (sans parler du risque de tout simplement y laisser la vie).
Malheureusement, le combat pour le droit à l'avortement fait sûrement partie de ces combats qui vont contre des penchants tellement ancrés dans la nature humaine qu'il ne sera jamais totalement acquis, et qu'il faudra toujours le défendre, ici ou ailleurs...